Le directeur de la Fondation Ethos s’exprime ce mardi matin lors de la dernière assemblée générale de Credit Suisse. Il demande notamment que toute la lumière soit faite sur la responsabilité des dirigeants actuels et anciens de la banque.
La Fondation Ethos s’est inquiétée depuis de nombreuses années des dérives et des manquements observés au sein des plus hautes instances dirigeantes de Credit Suisse. Il y a évidemment la question des rémunérations, dont les niveaux ont culminé à des sommets inimaginables à l’époque de Brady Dougan, mais également les multiples affaires financières et juridiques qui ont entaché la réputation, et par conséquent le cours de l’action, de la banque ces 10 dernières années et qui ont finalement conduit à la débâcle actuelle.
Dans les recommandations de vote qu’elle fournit à sa clientèle, Ethos s’est ainsi opposé à tous les votes sur les rémunérations depuis 2009. Elle a plaidé sans discontinuer pour une refonte du système de rémunération avec pour principal objectif de réduire les incitations à la prise de risque pour le top management et les employés les plus exposés (« key risk takers »). Ethos attend désormais que le législateur tire des enseignements sur les conséquences des systèmes de rémunération variables trop importants et impose des limitations dans le domaine bancaire comme c’est le cas dans l’Union Européenne (CRD V).
Ethos a également recommandé de s‘opposer systématiquement à la décharge du conseil d’administration et de la direction générale depuis 2014 et même demandé l’an dernier un contrôle spécial de la banque en lien avec les affaires Greensill et SwissLeaks.
Ethos a également soutenu depuis 2015 l’idée d’une séparation de la banque suisse du reste du groupe, une idée qui émanait de la direction mais qui avait finalement été abandonnée par le conseil d’administration. Enfin, Ethos s’est inquiété depuis 2011 du faible niveau de fonds propres affiché par la banque. Elle s’est ainsi opposée aux programmes de rachat d’actions et au versement d’un dividende à quatre reprises (2016, 2017, 2021 et 2022).
Voir la rétrospective des interventions d'Ethos auprès de Credit Suisse
Cette opposition, la Fondation Ethos ne l’a pas menée de bon coeur mais pour tenter d’éviter qu’un fleuron de l’économie suisse ne disparaisse en raison de la cupidité et de l’incompétence de ses dirigeants. Malheureusement, avec ses membres et ses clients elle s’est trop souvent retrouvée esseulée lors des assemblées générales. La demande de contrôle spécial, par exemple, n’a obtenu que 10% des voix l’année dernière.
Aujourd’hui, le constat est sans appel : Credit Suisse vit certainement sa dernière assemblée générale, les actionnaires ont perdu énormément d’argent et des milliers d’emplois sont sur la sellette. Pour la Fondation Ethos, il s’agit désormais de tirer les enseignements de cette débâcle et d’éviter de reproduire les mêmes erreurs à l’avenir. Le directeur Vincent Kaufmann prendra ainsi la parole ce mardi matin à Zurich pour demander au conseil d’administration, et en particulier à son président actuel M. Axel Lehmann, de faire toute la lumière sur la responsabilité des dirigeants actuels et anciens dans la débâcle la banque.
Une série de questions écrites a également été adressée au conseil d’administration et Ethos attend désormais des réponses détaillées de la part de la banque dans le procès-verbal de cette assemblée générale :
- Sur quelle base financière et à quelle date de bilan le conseil d’administration a-t-il accepté l’offre de reprise valorisant la banque à CHF 3,25 milliards ?
- Comment le conseil d’administration s’est-il assuré que les dommages que nous avons subi en tant qu’actionnaires n’ont pas été causé par les dirigeants actuels et anciens par manquement intentionnel ou par négligence à leurs devoirs, en particulier pour les exercices où la décharge n’a jamais été octroyée (2020 et 2022) ?
- Conformément à l’article 756 du code des obligations, la société et chaque actionnaire ont le droit d’intenter action pour le dommage causé à Credit Suisse. Est-ce que le conseil d’administration a entamé une action en justice contre certains anciens dirigeants ou compte le faire ?
- Qu’est-ce que le conseil d’administration a entrepris pour s’assurer qu’aucune des rémunérations versées aux anciens dirigeants, en particulier les rémunérations variables, soient indues au sens de l’article 678 du CO ?
- Est-ce qu’une séparation de la banque suisse avec une entrée en bourse tel que prévue par la régulation « too big to fail » a été envisagée par le conseil d’administration lors de la revue stratégique annoncée en octobre dernier ? Le cas échéant, pourquoi ce plan n’a-t-il pas été retenu ?
- Quel est le montant exact des rémunérations variables qui ne seront pas versées à la suite de la décision du département fédéral des finances communiquée le 21 mars 2023 ? Est-ce que cela concerne uniquement les rémunérations de la direction générale ou également celle des « key risk takers », voire de l’ensemble des collaboratrices et collaborateurs ?
- Plus spécifiquement, qu’adviendra-t-il des « retention awards », pour un montant CHF 367 millions, et des CHF 497 millions qui ont été versés en 2022 au titre de « Strategic Delivery Plan »?
- Est-ce que les plans de rémunération en vigueur au sein du Credit Suisse prévoient des clauses de changements de contrôle ? Si oui, s’appliqueront-elles dans le cas de la fusion avec UBS ?
- Quelle partie de la transaction de USD 175 millions avec M. Klein annoncée le 2 février lui est due à la suite de l’annonce de la reprise d’UBS ? Est-ce que les CHF 10 millions d’ »avisory fees » prévus pour M. Klein avant la reprise effective lui ont été effectivement versés ?