06/17/2019

Alors que les membres du Conseil national approuvaient le contre-projet à l’initiative pour des multinationales responsables, la Fondation Ethos a organisé jeudi 13 juin 2019 à Berne une conférence suivi d’un débat sur le thème des « entreprises multinationales et respect des droits humains : enjeux éthiques, économiques et politiques ». Un événement qui a réuni près de 120 personnes.

Après une présentation introductive du professeur de droit pénal à l’Université de Bâle Mark Pieth, quatre invités ont débattu de la nécessité ou non de réglementer les activités des sociétés suisses à l’étranger en matière des droits de l’Homme et de respect de l’environnement.

Membre du comité d’initiative, Chantal Peyer a rappelé en préambule que l’initiative serait retirée si le contre-projet actuel devait être approuvé par le parlement – soit désormais par le Conseil des Etats. « Nous sommes pragmatiques et avons la culture du compromis, a-t-elle expliqué. Notre objectif est d’empêcher que des violations des droits de l’homme perdurent sur le terrain. Or, si l’initiative devait aller au bout et être acceptée par le peuple suisse, il faudrait plusieurs années pour rédiger le texte de loi, autant de temps où des violations pourraient se poursuivre en toute impunité. »

Denise Laufer, membre du comité exécutif de SwissHoldings, a exposé de son côté les raisons pour lesquelles la Fédération des groupes industriels et des services en Suisse s’oppose aussi bienau texte de l’initiative qu’à celui du contre-projet actuel. « Nous ne sommes pas opposés au but fondamental des deux textes que nous soutenons évidemment, a-t-elle martelé. Mais nous pensons que les instruments proposés aujourd’hui ne sont pas les bons. »

Selon Denise Laufer, la Suisse prend le risque de faire cavalier seul et d’en faire davantage que les autres pays en matière de réglementation. De plus, demander aux entreprises de contrôler toute leur chaine de production, parfois extrêmement complexe, représenterait un risque juridique inacceptable. Enfin, selon elle, les initiants chercheraient à pouvoir organiser de grands procès médiatiques en Suisse avec l’argent des contribuables suisses. « On ne fait pas confiance aux Etats étrangers pour régler eux-mêmes les problèmes sur place mais, par contre, on ferait confiance aux preuves qui proviendraient de ces mêmes pays, a-t-elle souligné. Tout cela n’est pas très cohérent. »

Pour Lucius Dürr, ancien député PDC et membre du comité de soutien au contre-projet, l’économie a changé et les sociétés suisses sont aujourd’hui conscientes de leurs responsabilités. « Evidemment l’effort consenti doit être raisonnable et un fabricant de vis n’aura pas le même devoir de diligence que l’exploitant d’une mine ou qu’un commerçant en textile », a-t-il souligné. Selon lui, le contre-projet ne portera pas atteinte à la compétitivité des sociétés suisses. Bien au contraire. « La Suisse est leader dans de nombreux domaines, il est normal qu’elle le soit aussi lorsqu’il est question de défendre nos valeurs », a-t-il précisé.

Samuel Schweizer, membre de la direction d’Ernst Schweizer AG et l’un des entrepreneurs à s’être engagés publiquement en faveur de l’initiative, a quant à lui souligné que la qualité des sociétés suisses ne devait pas s’arrêter à celle de leurs produits. « En tant qu’entreprise industrielle nous sommes habitués à maîtriser notre chaîne d’approvisionnement, cela fait partie intégrante de la gestion des risques, a-t-il poursuivi. Il s’agit simplement désormais de prendre en compte de nouveaux aspects que sont le respect des droits de l’homme et de l’environnement. »

Enfin, Chantal Peyer a souligné qu’il était faux d’affirmer que les sociétés devraient contrôler les fournisseurs des fournisseurs de leurs fournisseurs. « Nous voulons que les sociétés prennent des mesures là où elles peuvent avoir une réelle influence, a-t-elle expliqué. Le texte du contre-projet est d’ailleurs très explicite à ce sujet : seules 1000 entreprises suisses seront concernées par la loi et devront prendre des mesures. »

Elle a en outre rappelé qu’il était souvent difficile d’engager des procédures dans des pays où l’accès à la justice est entravé, et précisé que la Suisse ne faisait pas cavalier seul mais, au contraire, qu’il s’agissait d’une tendance de fonds visant à rendre les principes des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme (« Ruggie principles ») contraignants. Elle a enfin souligné que le contre-projet était soutenu par de nombreux acteurs économiques et qu’il ne s’agissait pas d’une simple opposition entre quelques ONG et le monde de l’économie. « Une loi permettra simplement de clarifier les choses, a-t-elle déclaré. A commencer pour les entreprises. »

Le mot de la fin est revenu au président de la Fondation Ethos Rudolf Rechsteiner. Soulignant qu’il avait été étonné du refus du Conseil des Etats à entrer en matière sur le contre-projet au mois de mars 2019, il a dit espérer que l’heure serait désormais à la recherche du compromis qui a toujours fait la force de la Suisse et de son économie.

Présentation du Prof. Mark Pieth (en allemand)

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